Santé
Réduction des Risques
Usages de Drogues


Recherche dans SWAPS avec google
   

SWAPS nº 51

vers sommaire

Le paradoxe des salles de consommation

par Nestor Hervé

La question hautement sensible des salles de consommation a été en bonne place lors de la conférence organisée par l'IHRA en mai, illustrée par deux lieux emblématiques des succès et des problèmes rencontrés en la matière, la Sala Baluard à Barcelone et Insite à Vancouver.

Seule salle de consommation d’Amérique du Nord, Insite a été ouverte en 2003 à Vancouver. Elle compte douze places et est ouverte 18 heures par jour. Créée dans un climat de controverses, elle a été soumise à de nombreuses évaluations, aux résultats clairement positifs (baisse du risque d’infection VIH, augmentation du nombre de traitements de substitution et des demandes de sevrage, baisse du désordre public) exposés dans quelque 22 publications scientifiques. Cela n’a pas empêché une campagne de dénigrement menée par la police montée canadienne et l’OICS - qui a affirmé que de tels lieux violaient les lois internationales sur les drogues (lire l'article "L’OICS, ennemi de la RdR?" dans ce numéro) - de se développer, relayée par des publications partisanes et biaisées, et d’atteindre l’Etat canadien. Thomas Kerr, de l’université de Colombie-Britannique, a accusé lors de la conférence le gouvernement canadien d’avoir "travaillé à créer de l’incertitude" et créé une "paralysie par l’analyse" en exigeant expertise sur expertise. La cour suprême de Colombie-Britannique a accordé fin mai à Insite une exemption de poursuites qui la met momentanément à l’abri des attaques du gouvernement canadien, mais ce dernier a annoncé qu’il allait faire appel de cette décision, et l’avenir d’Insite reste en suspens. Dans le même temps, le gouvernement québécois annonce son intention d’ouvrir ses propres salles.
A Barcelone, la Sala Baluard a été ouverte en 2003 (comme Insite), avec comme "philosophie" de "rendre plus digne la RdR", selon les mots de Manel Anoro, un des initiateurs du projet. Ce lieu situé en plein centre ville, ouvert 24 heures sur 24, dispose de six postes de consommation (lire le reportage publié dans Swaps n° 40-41). Depuis, les locaux ont été agrandis, et un programme de dispensation de méthadone est venu compléter les soins de santé primaire. La ville compte aujourd’hui quatre autres salles - plus un camping-car fort bien aménagé en salle de consommation itinérante qui était garé devant l’entrée du palais des congrès pendant la conférence. Et personne ne semble y trouver à redire...
Alors, quel avenir pour les salles de consommation ? Ingo Michels, responsable adjoint de la lutte contre la drogue en Allemagne, pays leader en la matière, se veut optimiste : "Aux Etats-Unis la loi l’interdit, mais des villes comme New York ou San Francisco aimeraient pouvoir en ouvrir ! En Asie, les responsables sont très pragmatiques, et ils observent avec intérêt notre travail. Cela dépend bien sûr de la situation : il n’y a pas de "scène ouverte" en Chine par exemple. Mais la création de telles salles pourrait constituer une prochaine étape dans certains pays d’Asie." Un réseau international des salles de consommation (INDCR), qui regroupe des représentants des huit pays disposant pour l’heure de tels lieux, s’est d’ailleurs créé tout récemment.
On notera aussi l’intérêt potentiel de lieux incitant à un usage par inhalation. Néanmoins, comme le notait un participant à la conférence, les salles de consommation ne sont pas une solution miracle, notamment en matière de lutte contre l’épidémie VHC : "A la salle de Bilbao, l’âge moyen des usagers est 37 ans. Ce n’est pas comme ça qu’on touchera les jeunes !"

France
la piste de l’éducation aux risques

En France, si l’heure n’est pas à l’ouverture de salles de consommation (ni même à l’ouverture... d’un débat sur la question), l’éducation aux risques liés à l’injection semble avoir le vent en poupe. C’est tout d’abord l’Association française de réduction des risques (AFR) qui lui a consacré une journée thématique le 6 juin. L’idée était de recenser les expériences internationales et françaises en matière de réduction des risques liés à l’injection et de favoriser le développement de la palette d’actions et d’outils en établissant un argumentaire à destination des acteurs et un plaidoyer pour les interlocuteurs publics.
Coïncidence ? Deux semaines plus tard, la ministre de la santé Roselyne Bachelot-Narquin annonçait lors d’une visite au centre Beaurepaire, à Paris, six "mesures innovantes" en matière de RdR pour les usagers de drogues, parmi lesquelles la mise en place de séances d’éducation aux risques liés à l’injection. Celles-ci, qui devraient se tenir dans certains Caarud, pourraient être réalisées selon "différentes modalités" : entretiens individuels ou en groupe, apprentissage par vidéo ou simulation d’injections. "Un comité de pilotage nommé par le DGS évaluera ces expérimentations et accompagnera éventuellement leur mise en oeuvre", précise le communiqué du ministère.