![]() Réduction des Risques Usages de Drogues |
Deux revues scientifiques américaines font état de prises volontaires de surdoses de vitamine B3 (niacine) dans l'espoir d'échapper à des tests de dépistage de toxiques dans les urines. Il n'existe pourtant aucune base scientifique à cette pratique, et les risques d'atteintes toxiques sévères ne sont pas négligeables.
Sous un titre "libérationnesque" en diable, "lAmérique sous shit se shoote à la vitamine !", même la presse quotidienne sen est émue1. Objet de cet effet-titre, une publication2 de la très respectable revue Annals of Emergency Medicine concernant une série dintoxications "volontaires" par la vitamine B3 (niacine). Cette publication fait en effet état de cas dintoxications observés chez des personnes jeunes (dont deux âgées de moins de 17 ans) ayant quelque peu "abusé" de vitamine B3, produit en vente libre aux Etats-Unis, et ce "afin déchapper aux tests de dépistage de toxiques dans les urines", notamment lors dune visite dembauche.
Cette pratique, qui semble épidémiologiquement circonscrite, à de quoi surprendre : aucune donnée scientifique nindique que prendre de la niacine altère les tests urinaires de dépistage des drogues. Absorbée à des doses supérieures à la dose maximale prescrite, la vitamine B3 entraîne des effets secondaires importants, notamment sur le plan cardiaque (allongement de lespace QT sur lélectrocardiogramme), et aussi en termes de toxicité hépatique ou cutanée.Une enquête dans cinq Etats
Ce phénomène est suffisamment important aux Etats-Unis pour que, dans un récent numéro de leur bulletin épidémiologique (MMWR du 20 avril 2007), les Centers for Disease Control (CDC) sefforcent dapprécier, dans 5 Etats, lampleur du problème par des appels téléphoniques dans les centres anti-poison3 ; 92 cas dintoxication à la niacine ont été recensés en 2006 dans ces 5 Etats. Ces cas correspondaient pour 58% à une erreur de dosage - en tout cas déclarée comme telle - et, pour plus de 20% des cas, à une intoxication "non suicidaire/intentionnelle/non médicalisée" dans le but déchapper à des tests urinaires de dépistage des drogues.
Les 18 personnes qui ont répondu au questionnaire ont absorbé des doses jusquà 10 fois supérieures à la dose maximale acceptable. La plupart pour contourner les tests, mais dautres aussi pour "purifier, clarifier leur corps et leur sang...". Ces 18 cas ont présenté, évidemment, des effets secondaires. Mais cette partie émergée ne suffit pas à mesurer lampleur du phénomène aux Etats-Unis.Un produit facile à obtenir
Il est à noter que la niacine est extrêmement facile à obtenir, en Europe comme aux Etats-Unis, que cest un médicament reconnu pour le traitement de certaines hyperlipidémies et que les prescriptions classiques le sont généralement à la dose de 100 mg, 3 fois par jour. Lutilisation de la niacine est limitée par ses effets dermatologiques, gastro-intestinaux et cardiaques, et des atteintes toxiques sévères ont été rapportées dans la littérature, avec notamment une greffe hépatique...
Les auteurs de larticle de Annals of Emergency Medicine ont évalué lampleur du problème sur les différents serveurs dinternet : sur Google, la recherche du terme "pass-urine-drug-test" croisé avec "niacin" donne 84600 résultats. Swaps a pour sa part regardé dans la base de publications médicales PubMed : en croisant les mêmes items, on obtient 9 publications et aucune ne permet détayer la thèse dun produit qui permettrait de masquer les tests de dépistage.
Ce phénomène survient aux Etats-Unis alors que la pratique du "drug-testing" y est en pleine croissance, notamment à linitiative des agences gouvernementales et plus encore dans le monde du travail, sans compter lécole et jusque dans la sphère familiale.Déficit dinformations
Les CDC précisent que les données publiées dans le MMWR sont rétrospectives et limitées, et quune étude prospective doit être effectuée dans les centres médicaux hospitaliers publics et privés ainsi que dans les centres anti-poison. Ils prévoient même une campagne en direction du grand public et en milieu scolaire pour informer de labsence de base scientifique dune telle pratique et surtout des risques encourus sur le plan médical. Le support devrait en être non pas... Swaps, mais internet.
1 Libération du 12 avril 2007
2 Mittal MK, Florin T, Perrone J et al.
"Toxicity from the use of niacin to beat urine drug screening"
Annals of Emergency Medicine, 2007, sous presse
3 "Use of niacin in attempts to defeat urine drug testing--five states, January-September 2006"
MMWR (Morb Mortal Wkly Rep),
2007, 56, 15, 365-6