![]() Réduction des Risques Usages de Drogues |
Aucune étude spécifique n'a été menée sur l'usage de drogue chez les transgenres. Un milieu où plus de 70% sont des travailleuses du sexe. Quels sont les consommations et usages problématiques ? Pour en savoir plus, Swaps a rencontré Camille Cabral, présidente de l'association activiste Pastt.
Camille Cabral est une grande blonde sculpturale, originaire du Brésil. Certains la connaissent grâce à sa candidature à Paris lors des législatives de 2002, mais cest avant tout la fondatrice de lassociation Pastt, qui se bat pour le droit des personnes transgenres (lire lencadré).
Lorsquon lui pose la question de lusage de drogue dans le milieu trans, elle montre des réticences pour répondre. Elle tient à rappeler que les trans sont un groupe minoritaire, fortement stigmatisé et discriminé : "Il est impossible de trouver un travail lorsque lon est une femme en apparence, avec un état civil et des papiers qui disent le contraire. Et cest encore plus dur de trouver un logement. Cest dailleurs lune des raisons pour lesquelles 70% des trans ont choisi dêtre travailleuses du sexe." Camille redoute que lon stigmatise encore plus les trans en leur collant une nouvelle étiquette, relative à lusage de drogue.Peu dinjections
Malgré tout, elle reconnaît quil existe des consommations, essentiellement sociales : de lecstasy en soirée parfois, des amphétamines également. "Mais pas de ce Crystal Meth dont on entend de plus en plus parler" souligne Camille... Et lhéroïne ? "Il y a encore quelques injecteurs, mais si lon compare à la situation des années 1980, ce nest plus du tout la même chose pour lhéroïne, tempère Camille. Aujourdhui on trouve des gens qui sont substitués à la méthadone ou au Subutex ®". Et ceux-ci ne représenteraient quune minorité : sur le millier de trans qui fréquentent lassociation Pastt, une dizaine à peine seraient sous substitution...Pour "tenir le coup"
Mais alors, il ny aurait pas de consommation de drogue chez les trans ? Camille reconnaît que la substance la plus consommée, cest lalcool. Ou plus exactement, le mélange alcool plus Rohypnol® : "Je connais des travailleuses du sexe qui portent toujours sur elles une flasque contenant un mélange de whisky et une dizaine de comprimés de Rohypnol broyés." Car si le Rohypnol est théoriquement un somnifère, il produit leffet inverse une fois mélangé à lalcool. Un breuvage utilisé pour tenir le coup face à des conditions de travail souvent extrêmement difficiles. "La violence est quotidienne. Il y a des morts. Une fille a même été tuée le jour de la marche des trans", souligne Camille.Le revers de la médaille
Le mélange alcool plus Rohypnol, sil aide certaines à tenir le coup, a aussi son revers : "Cela peu plus souvent occasionner des baisses de vigilance et un relâchement en matière de port du préservatif par exemple" reconnaît Camille. Un problème dautant plus important que les trans sont souvent confrontées à des demandes de sexe non protégé. "Dans la clientèle des trans, on peut trouver des hommes qui naiment pas le préservatif. Ce sont des personnes qui nont pas le sens du risque et la conscience de la gravité de lépidémie" précise-t-elle. Et les trans ne sont pas toujours à même de refuser. "Une trans sans papiers, en situation précaire, à qui le client propose une rallonge pour baiser sans capote, peut avoir du mal à dire non, quand elle a un logement à payer et pas dargent pour se nourrir, constate Camille. La faim et la pauvreté sont plus fortes que la peur du sida."
Cest là que Pastt intervient, pour justement aider ces trans à se protéger à tout prix. Mais les conditions sine qua non dune véritable réduction des risques sont certainement plus dégalité et moins de discriminations identitaires. Et en la matière, un long chemin reste à parcourir.
Pastt : contre la "transphobie"
Depuis 1992, Prévention, action, santé, travail pour les transgenres (Pastt) soutient les personnes trans, aussi bien dans les domaines social que sanitaire ou juridique. Et la lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles est lune des priorités de lassociation. Celle-ci simplique ainsi sur le terrain, avec des permanences au bois de Boulogne et sur les boulevards des maréchaux. Des lieux daccueil et de soutien sur le terrain qui sadressent principalement aux personnes trans, mais qui touchent de plus en plus de "classiques".
Pastt essaie également de lutter de manière concrète contre la "transphobie", et propose par exemple des ateliers de formation pour faciliter laccès à lemploi. Sans oublier un volet artistique et culturel : lassociation organise de nombreuses manifestations et spectacles.
Pastt / 94 rue Lafayette / 75010 Paris / Tel. : 01 53 24 15 40 /
Mail : pastt@noos.fr