Santé
Réduction des Risques
Usages de Drogues


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SWAPS nº 39

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Décret sur la réduction des Risques

Un cadre explicite issu d'une concertation

par Didier Jayle

La réduction des risques (RdR) est enfin officiellement reconnue par la loi. Le décret du 14 avril 2005 approuve le référentiel national des actions de RdR en direction des usagers de drogue. Nous avons demandé à Dider Jayle, président de la Mildt, de revenir sur les motivations et les engagements de ce texte, et à Valère Rogissart, président de l'Association française pour la réduction des risques (AFR) et responsable e la mission rave de Médecins du monde, de réagir à cette "légalisation", mais aussi à l'interdiction du "testing".


Décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 approuvant le référentiel
national des actions de réduction des risques des usagers de
drogue et complétant le code de la santé publique

Journal Officiel n° 0088 du 15 avril 2005

www.journal-officiel.gouv.fr


L’ajout dans le code de santé publique d’un axe de réduction des risques dans la politique sanitaire de la toxicomanie entre la prévention primaire et le soins entérine l’expérience et les résultats sanitaires acquis depuis une quinzaine d’années dans la prévention des risques graves associés à la consommation des drogues: décès par surdose, accidents, infections par le VIH principalement. La réduction des risques est donc un champ supplémentaire et non le paradigme unique de la politique sanitaire en matière de toxicomanie.
Si les acquis de la réduction des risques sont incontestables, il restait un flou dans la définition des activités correspondant à cet axe de la politique sanitaire dans lequel pouvaient s’engouffrer aussi bien des actions n’ayant aucune finalité préventive qu’une mise en cause de pratiques qui, pour être efficaces, doivent aller au plus près des usagers dans les situations où ils consomment des drogues. Le public peut en effet légitimement s’interroger sur des actions qui au premier abord paraissent faciliter ou encourager l’usage de substances interdites et dangereuses et à ce titre interpeller leurs représentants ou les administrations en charge de l’ordre public. Actions et acteurs devaient donc être protégés par un cadre explicite énumérant les différents actes dont l’efficacité préventive est avérée et les conditions dans lesquelles leur promotion peut être réalisée. La force réglementaire donnée à ce référentiel l’impose ainsi à tous les acteurs du champ de la lutte contre la toxicomanie : professionnels et bénévoles du champ sanitaire et social, associations, policiers, juges, élus, administrations. Par définition un texte réglementaire n’est pas un énoncé de principes généraux mais un cadre normatif d’où la rédaction simple, précise et brève du texte. Celui-ci a été élaboré par la Mildt en lien avec la DGS sur la base de l’expérience accumulée par les acteurs de terrain, de la littérature scientifique et des problèmes rencontrés en France ces dernières années dans la mise en oeuvre de la réduction des risques: actions judiciaires, opposition de résidents dans les quartiers concernés, contestation de certaines pratiques.
Une première version a été discutée au cours d’une réunion rassemblant des professionnels de santé, des associations réalisant des actions de réduction des risques, des représentants d’usagers et des élus locaux. Le texte issu de cette concertation a ensuite été soumis à l’ensemble des ministères (Santé, Intérieur, Justice, Défense) et la version finale adressée au Conseil d’Etat. Les promoteurs des programmes de réduction des risques doivent s’y référer dans la définition de leurs actions. Il est opposable quand il y a conflit quant à l’interprétation des activités menées auprès des usagers, en particulier pour toutes celles qui sont menées dans l’espace public. D’où l’absence de formules vagues sur les questions controversées ; celle sur l’interdiction des méthodes actuelles de testing notamment qui soulève des critiques de certains acteurs du secteur festif. En l’état actuel des techniques, l’information donnée aux consommateurs n’a aucune valeur préventive puisqu’elle ne comporte aucune information sur les produits potentiellement dangereux autres que le MDMA contenus dans les produits. Elle ne renseigne pas non plus sur la dose de MDMA contenue dans un comprimé. A ce titre, cette technique n’a donc pas d’intérêt préventif malgré la valeur attractive du testing mise en avant par les acteurs de terrain qui devront utiliser d’autres stratégies pour entrer en contact avec les consommateurs. D’ailleurs aujourd’hui la pratique sur site des techniques de test par coloration a été abandonnée dans tous les pays qui l’admettaient. Un autre point critique concerne le contenu de l’information et les formes de la communication qui ne doivent pas donner prise à l’incrimination d’incitation à l’usage réprimée par la législation actuelle ; pour cela, contenus et formes doivent être clairement orientés par l’objectif de prévention des risques pour la santé à l’exclusion de toute information visant à optimiser les sensations attendues de la consommation.
Les actions de réduction des risques évoluent avec les usages, les produits en circulation, les contextes de consommation. Le texte correspond à la situation actuelle, son article final permet l’expérimentation d’approches nouvelles adaptées à ces évolutions futures.
Classiquement, la réduction des risques marche sur une ligne de crête où se rencontrent la santé publique et l’application de la loi dans un objectif d’intérêt général au sein duquel s’inscrit la santé des usagers de drogue. C’est un exercice difficile auquel le référentiel vient apporter un appui.

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