Santé
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SWAPS nº 15

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Le testing fait du lobbying

Du testing au "safer-drug"

par Isabelle Célérier

Un an et demi après la publication de son premier rapport sur les usages de drogues de synthèse, Médecins du monde a rendu publics en décembre les résultats de la recherche-acion de sa mission rave. Un état des lieux de la population concernée, des produits et des modes de consommation qui pourrait constituer un outil d'aide à la décision pour les pouvoirs publics.

Aller sur le terrain

Lancée en juin 1997, la mission Rave de Médecins du monde (MDM) s’est donnée pour but d’étudier les comportements d’usage de drogues dans les raves, de proposer des recommandations visant à la mise en place de pratiques préventives élargies vis-à-vis de l’abus de ces drogues, de favoriser la réduction des dommages ("harm reduction") liés à la consommation de ces substances, et enfin d’impulser la mise en place de ces pratiques en relais avec d’autres intervenants.

Outre un certain nombre d’intervenants extérieurs consultés ponctuellement, le groupe de chercheurs en sciences humaines de la mission est composé d’ethnologues, de sociologues, de psychologues et de psychiatres.

949 questionnaires ont été diffusés auprès de participants aux fêtes technos; et 667 questionnaires de contrôle auprès d’une population similaire mais non participante au milieu festif techno.

Au total, 268 questionnaires ont été retenus pour chacun des deux groupes.

Des substances très diverses

Selon Médecins du monde, le groupe techno "a la caractéristique peu fréquente d’avoir une existence fluctuante": l’âge moyen est de 20 ans; 37% sont étudiants, 30% sont salariés, 21% au chômage, en CES ou au RMI; 48% sont logés chez leurs parents; et 72% se déclarent confiants en l’avenir.

Qu’elles soient stimulantes, hallucinogènes ou sédatives, licite ou illicites, naturelles ou synthétiques, les subtances consommées sont très diverses. Le cannabis, l’ecstasy, les amphétamines, le LSD et la cocaïne sont les psychotropes les plus consommés. Les alcools forts sont aussi présents que les produits opiacés tandis que l’usage de kétamine, un produit apparu plus récemment, tend à se développer.

Par rapport au groupe contrôle, les différences très significatives vont de l’absence de consommation de certains produits comme la kétamine, le Gamma OH/GHB et le Cristal, à une consommation deux fois plus fréquente chez les technos de produits comme le cannabis et les médicaments ou dix fois plus fréquente - toujours chez les technos- d’amphétamine, d’ecstasy, d’acide/LSD ou d’opium/rachacha.

Quant aux motivations de consommation, elles varient selon les individus: 64% ont consommé de l’acide pour faire l’expérience, 48% par plaisir et 35% pour s’éclater en dansant. Pour l’ecstasy, ces pourcentages atteignent respectivement 52%, 53% et 54%.

Enfin, 23% des technos interrogés ne s’estiment pas assez informés sur les effets de l’ecstasy et 63% sur ses composants; 33% sur les effets de l’acide et 62% sur ses composants. Leurs informations proviennent essentiellement d’amis usagers (73%), d’expérience personnelle (65%) ou des médias (35%).

Près de 40% de médicaments

95 produits ont été analysés par spectrophotométrie de masse et chromatographie en phase gazeuse.

71% d’entre eux contenaient une substance psycho-active.

Les seuls produits "propres" étaient des médicaments vendus pour de l’ecstasy (près de 40%), certains relativement inoffensifs, d’autres potentiellement dangereux: Nivaquine®, Artane®, Fonzilane®, Gabacet®, bêtabloquants, tranquilisants, opiacés, anti-histaminiques, corticoïdes, et un anesthésique vétérinaire.

Les drogues illicites représentaient, elles, plus de 60% des échantillons: un quart des comprimés vendus pour de l’ecstasy contenaient effectivement de la MDMA à des concentrations variant de 30 à 162mg/cp mais, dans la moitié des cas, les produits contenaient des mélanges de MDMA, d’amphétamines, d’opiacés de synthèse et autres précurseurs de la MDMA.

Enfin, un nombre considérable de pilules contenaient des amphétamines (25%), éventuellement en association avec de l’éphédrine et de la caféïne. Près de 10% des échantillons restants contenaient d’autres drogues psychotropes.

Parmi les drogues de synthèse, un hallucinogène majeur, le DOB, et un mineur, le 2CB.

Sur les 2666 produits testés avec le test de Marquis, 33,3% produisaient une réaction évocatrice de la présence de MDMA ou d’une autre phényléthylamine de la même famille; 42,2% évoquaient la présence d’amphétamine; 3,9% celle d’une phényléthylamine hallucinogène (2CB...); et 20,5% présentaient une réaction inconnue ou ininterprétable.

De l’intérêt du "Safer-drug"

Autant d’éléments qui amènent MDM à souligner la nécessité de développer une réflexion sur le concept de "safer-drug", c’est-à-dire de favoriser la consommation des drogues les moins dangereuses au détriment des plus toxiques. Pour l’association, il paraît notamment intéressant de réfléchir à deux fois face à l’interdiction systématique de toute nouvelle molécule de synthèse, avant même d’avoir pu évaluer correctement son éventuelle dangerosité.

Et Médecins du monde d’édicter un certain nombre de recommandations:

Isabelle Célérier